Andry de Boisregard, Nicolas. L'orthopédie ou l'art de prevenir et de corriger dans les enfans, les difformités du corps. Le tout par des moyens a la portée des Peres & des Meres, & des personnes qui ont des enfans à elever. Tome II A Paris, chez la veuve Alix, 1741.

L'adolescence pour un jeune homme est une période très éprouvante, surtout lorsque l'on a se battre pour se présenter comme un homme, "un vrai", et que l'on est trahi par sa voix fluette ou menue.

Avec beaucoup d'empathie ou de mauvais souvenirs, les médecins du XVIIIe siècle étaient sur ce point de bons conseils.

Deux solutions étaient proposées aux jeunes hommes pour s’entraîner à construire une voix d'homme :

- Accorder sa voix au son que produit une lourde pincette à feu contre un gros coffre solide, comme on le ferait d'un diapason.

- Caler sa voix sur le "retour son" au-dessus d'une généreuse caisse de résonance, en l'occurrence un tonneau vide et le trou de bonde bouché...

Ces deux images présentent deux jeunes hommes manifestement de la même classe sociale. Celui au diapason produit un sentiment de quiétude et laisse imaginer un exercice domestique régulier ou bien des cours chez un professeur de chant. Mais la scène du tonneau est ambiguë, il est possible de percevoir une certaine urgence, un sentiment d'angoisse dans la scène du jeune homme au tonneau... Comme s'il vidait tripes et boyaux. On l'imagine aisément attendre le bon moment et se faufiler dans le cellier. Car contrairement à celui au diapason qui accorde son timbre et l'exerce probablement face à une autre personne, notre jeune homme au tonneau semble profondément seul dans l'attente de son retour de voix.

Mais on peut également la voir comme un jeu d'enfant fasciné par sa propre voix déformée, cette scène devient alors beaucoup plus joyeuse que celle au diapason.

Ajoutons-y les effluves persistantes dans le bois des douelles. Le tonneau servait-il à entreposer des pommes, du vin, du cidre, de la bière ? Nul doute que ce retour de voix était accompagné de fragrances subtiles, d'odeur de vieux vin ou de pommes pourries qui vous chatouillent le nez et la gorge.

Quoiqu’il en soit, l'expérience en vaut la peine... Penchez-vous au-dessus d'un tonneau, laissez vous emplir par votre voix décalée de son naturel, ouvrez le nez en grand, baignez-vous d'effluves étranges d'un autre temps, d'une autre saison... Jouissez du moment au retour au réel, à cet instant entre deux mondes.

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