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Esprit de Corps - Partie 2 - Vendanges Thomas Perseval

Il y a quelques jours nous avons eu le bonheur de découvrir la mélodie des casquettes et tatouages sur les parcelles des Goulats et au pressoir de Stéphane Parmantier (Esprit de Corps - Partie 1)




Thomas Perseval - Vendanges 2020 - (c) Fabrice LAUDRIN

Cet après-midi je me rends un tout petit peu plus bas sur les parcelles Thomas Perseval à la Masure (1). Pour ce vigneron, l'opération est délicate, il s'agit de cueillir le raisin destiné au rosé de macération. Chaque grappe est choisie, contrôlée et délestée de ses grains trop grillés. Épinette à la main, d'amont en aval et d'aval en amont, il parcourt les rangs de vignes comme un berger prêt à accourir auprès d'un de ses vendangeurs et le délester du moindre doute.




A l'image des mondes se croisant sur les précédentes parcelles des Goulats, des couvres-chefs flottent au dessus des rangs de vigne.


Mon œil est attiré directement par une casquette rose au chiffre des New York Yankees, j'apprends qu'elle est la survivante d'un incendie.

Un peu plus loin encore, très smart... Une casquette noire, complète à merveille une silhouette d'athlète aux lunettes blanches.

Puis émerge un pakoul, le béret traditionnel afghan, celui porté déjà par les soldats d'Iksandar Kabir (2). Adrien a hérité ce béret de son grand-père, témoin direct et privilégié de l'Afghanistan des années 1980. Sur cette tête s'empilent donc trois temps et trois mondes : celui d'Adrien, là sous le ciel de Chamery, celui de son grand-père et de la poussières des montagnes afghanes, celui des soldats d'Alexandre le Grand marchant en colonnes entre les vallées du Pandjchir.


Accroupie derrière un rang de vignes, Claire... Un tatouage sur chaque épaule. Ils m'évoquent les spalières des hommes d'armes du Moyen-Age. Il s'avère que cette sensation est proche de la réalité. Ces deux tatouages sont des souvenirs de voyages récents à Bangkok mais ils sont surtout une armure contre l'angoisse de la disparition des êtres chers. Celui de l'épaule droite reprend l'idée du Mandala et de la non permanence des choses, la vie matérielle naturellement éphémère. Trois cercles représentant Claire, son frère et son père ancrent ce motif sur sa peau. Celui de l'épaule gauche présente un coucher de soleil surmonté d'une galaxie. Il évoque "le déplacement de l'âme au moment du décès vers un quelque part d'autre où l'on peut rejoindre nos chers disparus".


Là entre ces rangs de vigne tourne donc au-dessus de ces casquettes et de ces tatouages un univers fait de survivance, de fierté du corps, d'hommages transgénérationnels, de mondes merveilleux et plein d'espoirs. La valse de ces mondes parle de la vie et de la mort, du passé, du présent et de l'avenir, d'âme immatérielle et d'absolue corporéité... L'essence, l'alcool de notre propre vie.


Ce qui me semble pourtant le plus merveilleux est que ces mondes si différents les uns des autres s'agglutinent et s'organisent ici et maintenant autour d'un seul objectif, d'un seul projet, d'un seul espoir... Un rosé d'orfèvre.


Il faut du temps pour élaborer un rosé de macération. Certains vendangeurs ici auront la chance d'y goûter, d'autres ne l'auront pas, chacun le sait. Ce n'est donc pas le plaisir du vin qui motive ici.


Les vendanges sont certes un bon bol d'air et de magnifiques paysages, mais ce sont aussi des courbatures. Est-on ici pour mériter sa paie ? Objectivement, on vient majoritairement en vendanges pour ça. Peu de vendangeurs sont expérimentés, pourtant ici, chaque geste est mesuré, pesé, conscient et responsable. La qualité du vin en dépend. L'énergie faisant ronronner ce moteur à merveille est-elle uniquement l'amour du travail bien fait et le choix adéquat de l'équipe de vendanges ?


N'est-ce pas plutôt cet esprit de corps qui concentre et transcende les individualités ?


Avant de partir je regarde le sourire de Thomas irradier La Masure. La réponse n'est-elle pas là ? On peut s'engager pour une idée, mais on se défonce pour son capitaine.


Une vigne est le reflet de son terroir, mais le vin est une affaire d'hommes et de femmes...

 

(1) 49°10'9.37"N,3°57'31.45"E

(2) Alexandre le Grand, ses armées envahissent la Bactriane en 328-327 av. è. c. La tombe d'Agios Athanasios, IVe siècel av. è. c. dépeint des soldats macédoniens coiffés du pakoul-causia

 

Liens transversaux : #vendanges #ThomasPerseval #StéphaneParmantier #Chamery #tatouages

 

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