Le Chant des Vignes

L’édition du festival VIGN’ART 2021 nous livre décidément de belles pépites d’art actuel.
Le Chant des vignes d’Anne Moret et Noémie Carvalho complète avec finesse et discrétion la loge-table de Moussy (51).
Ce site est l’un des lieux les plus plaisants des coteaux sud d’Epernay. Tout en haut, à la lisière des mondes forestiers et des chemins de vignes, imaginez une longue tablée de jardin. Imaginez-vous là assis accoudé sur la table, le dos chouchouté par une épaisse couverture boisée et le regard perdu dominant les alignements de vignes à l’infini. Pas un bruit de moteur, la tête baignée dans le chant des oiseaux, des feuilles frissonnantes et des clochers en contrebas rythmant le temps. Imaginez le vent qui se lève, la forêt tentant de pépier un peu plus fort, une foule de tintements cristallins répondant avec vigueur aux sautes de vent.
Ces gouttes de céramiques mobiles que vous preniez comme une belle finition graphique d’un mobilier de salon ou de jardin se révèlent le porte-voix de l’humeur de ces vignes en coteaux s’écrasant contre l’immuable certitude forestière.
Plus le vent monte, plus la parole se fait pressante. Plus il bute contre la forêt, plus il génère de tourbillons cristallins.
Et vous, vous êtes là, toujours accoudé sur la table de bois. Le visage dans le vent vivifiant et les oreilles ivres de ce son pur.
Etre baigné, emmailloté avec douceur, par une œuvre d’art sans avoir à en soutenir le regard est certainement l’idéal absolu pour l’hédoniste. Point n’est besoin de connaissance esthétique, de classer dans ce que nous aimons ou n’aimons pas, dans ce qui nous rassure ou ne nous rassure pas… Juste être là et accepter que de simples gouttes de céramique chantante augmentent notre réalité.
Peut-être aussi qu’Anne Moret et Noémie Carvalho ont su se jouer de nous. Au fin fond de notre inconscient culturel traînent les mots du poète persan Omar Khayyâm :
« Tout bas, l'argile disait au potier qui la pétrissait : considère que j'ai été comme toi... Ne me brutalise pas ! »
Ou bien encore :
« Potier, si tu es perspicace, garde-toi de meurtrir la glaise dont fut pétri Adam ! »
Dans nos cultures occidentales et orientales, la poterie et l’homme partagent une origine commune : l’argile, la glaise.
Cette proximité d’essence favorise l’appétence au discours de la céramique. Il résonne ou raisonne en nous naturellement.
Choisir la céramique comme média des « voix » nées des vignes en coteaux se révèle donc le moyen le plus direct et le plus efficace pour capter naturellement notre attention.
Si cela est vrai alors ces deux artistes ont fait de notre oreille et de notre inconscient une composante majeure de leur œuvre…
Le Chant des vignes est visible jusqu’au 15 septembre 2021 sur la commune de Moussy (51) aux coordonnées GPS 49.021529, 3.914154.
Les informations relatives au festival VIGN’ART 2021 : https://www.vignart.fr/evenements/la-loge-table/