Spécial Liban : Lamartine, fier de ses "Vins d'Or"
Dans la culture littéraire française, il n’y a de plus bel ambassadeur des vins du Liban qu’Alphonse de Lamartine. Pour ce poète et homme politique, le vin était une grande affaire ou plutôt une grande passion. Son voyage autour du Mont Liban entre 1832-1833 nous décrit le paysage viticole et les usages du vin dans cette région.

Propriétaire de vignes à Milly, Saint-Sorli, La-Roche-Vineuse et Prissé, il a très profondément éprouvé les aléas de fortune liés au climat bourguignon. Il aimait à dire « Les vignes font un immense tapis vert. Le soleil et le nuage en sont deux croupiers qui vous jettent les trésors et la ruine. »
Boire le vin et contempler le visage des femmes...
Ses caves regorgeaient de vins de choix, mais il était fier de ses vins d’or du Liban rapportés de son voyage en Orient de 1832-1833.
Dans ses Souvenirs, il est initié aux vins du Liban par le consul de Sardaigne à Beyrouth. Le chantre de ce dernier déclame en fin de repas : « Buvons le jus d’Éden, qui enivre et réjouit le cœur de l’esclave et du prince. C’est du vin de ces plants que Noé a plantés lui-même quand la colombe, au lieu du rameau d’olivier, lui rapporta du ciel le cep de la vigne.
Par la vertu de ce vin, le poète un instant devient prince, et le prince devient poète.
Buvons-le à l’honneur de ces jeunes et belles Franques qui viennent du pays où toute femme est reine.
Les yeux d’une femme de Syrie sont doux, mais ils sont voilés.
Dans les yeux des filles de l’Occident il y a plus d’ivresse que dans la coupe transparente que je bois.
Boire le vin et contempler le visage des femmes, pour le musulman c’est pécher deux fois ; pour l’Arabe c’est deux fois jouir, et bénir dieux de deux manières. »
Noé...
Lamartine apprend alors que la tradition régionale voudrait que Noé soit sorti de l’Arche contre le Mont Liban et aurait planté la première vigne d’un cep apporté par la colombe. Le Liban serait ainsi le berceau du vin de l’humanité post-diluvienne. Il n’en faudra pas plus pour Lamartine pour ouvrir tout son être à ces nobles vignes.
Pendant tout son périple autour du Mont Liban, notre voyageur ne cessera de décrire la vigne libanaise avec émerveillement.
Plants de vigne ombrageant les cabanes de cultivateurs, courant d’arbre en arbre dans la campagne, tapissant les murs de marbre blanc des riches demeures, grèves plantées de sycomores, de jasmins et de vigne, vallées et terrasses couvertes de ceps. Sa tendresse devient toute particulière en évoquant « au bas des couvents, des moines maronites, revêtus de leur capuchon noir, qui labourent entre les ceps de vigne et les grands châtaigniers. »
Douceur...
Le Liban est aussi terre de contrastes humains. Lamartine se plaît à les exposer sobrement.
Son périple le mène à partager l’absolue frugalité du dîner de moines du Mont Liban ne vivant que de galettes séchées au soleil et de quelques olives.
Il en apprécie d’autant plus l’offrande de vin qui lui est faite à son départ.
Plus tard il est hébergé dans la maison du cheikh de Zebdani. Lamartine l’invita à partager son repas : « Le souper étant prêt, je priais le cheikh de vouloir bien le partager avec nous. Il accepta de bonnes grâces, et parut fort amusé de la manière de manger des Européens. Il n’avait jamais vu aucun des ustensiles de nos tables. Il ne but point de vin, et nous n’essayâmes pas de lui faire violence. La conscience d’un musulman est aussi respectable que la nôtre. Faire pécher un Turc contre la loi que la religion lui impose m’a toujours paru aussi coupable, aussi absurde que de tenter un Chrétien. ».
Nous retrouvons ici toute la douceur de caractère qui caractérisait Lamartine.
Vins d'or
Poursuivant son voyage il se rend à Eden, un village arabe maronite. Convié à la table du cheikh, il est fortement impressionné par « les outres séculaires des vins d’or du Liban, apportées de la cave par ses serviteurs, [elles] coulaient pour nous et pour notre escorte. »
Ce voyage d’Orient nous conte la région du Mont Liban comme une terre de vignes et de vins de choix, comme l’origine même de la culture de la vigne. Il nous décrit également les différences de consommation du vin d’une communauté à une autre.
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Bibliographie
LAMARTINE, A. d. (1861). Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833 ou Notes d'un voyageur. T. 7, 2. Paris: Monographie imprimée.
TOESCA, M. (1969). LAMARTINE ou l'amour de la vie. Paris: Éditions Albin Michel.